En ce début du XXI siècle, la Méditerranée
est une mer morte. Certains jours à New-York, il pleut de
lacide. Les microbes résistent aux antibiotiques, et
leau du robinet nest potable quun jour sur deux.
Voici le portrait troublant et inquiétant dun futur
apocalyptique éventuel. Dans ce roman de John Brunner, peu
de place est laissée à une vision optimiste du futur.
Regard réaliste, voire pessimiste, dun univers voué
à la catastrophe.
Dans cet univers, le soleil brille rarement. Pas détoile.
Apparemment, on ne les avait pas vues cet été.
Il nest plus possible de sortir dans la rue sans son masque,
sous peine de se retrouver avec la gorge irritée et saisi
de toussotements. Prenant maintenant place aux côtés
des machines distributrices, le distributeur doxygène
fait de plus en plus de consommateurs. Avoir un enfant qui ne fait
seulement que de lasthme est le rêve de toute famille
dans ce monde malade.
Même à cette distance de la côte, lair
de la nuit était chargé dune odeur pestilentielle.
La mer se soulevait lourdement et sans bruit, les vagues sans crête
venaient avorter sous la couche de résidus huileux qui entourait
la coque et qui était aussi imperméable quune
feuille de plastique. Il y avait là des détergents,
des eaux dégout, des produits chimiques industriels
et les fibres de cellulose microscopique provenant des journaux
et du papier hygiénique. On ne voyait aucun poisson venir
briser la surface. Il ny avait pas de poisson.
Ou encore
Leau ressemblait davantage à du mazout.
Elle était noirâtre et remuait à peine sous
laction du vent. En bordure du sable il y avait une ligne
de démarcation sommaire constituée de déchets,
surtout en plastique. De grands panneaux proclamaient: Baignade
dangereuse sur cette plage.
Linvasion des récoltes par un insecte nommé
le Jigras, en plus dune épidémie dentérite
(une forme aiguë de turista) généralisée
à toute lAmérique du Nord, ramène lhumanité
sur le bord de la guerre civile.
Le tiers de la population active est malade et les récoltes
sont détruites par ce nouvel insecte récemment introduit
par un pays soit-disant ennemi. Les services publics tels la collecte
des ordures sont paralysés à cause dun manque
deffectifs. Les rues des grandes villes sont impraticables,
ensevelies sous des tonnes dordures ménagères.
Sans parler de la pénurie deau potable provoquée
par les soixante (60) millions de malades qui flushent leur toilette
à raison de plusieurs fois par heure.
Incendie de rivière, linge étendu sur une corde qui
se salit automa-tiquement, folie collective, épidémie,
maladie chronique, invasion dinsectes... Chaque paragraphe
contient en lui-même le germe dune malédiction,
qui sabat inlassablement sur les personnages. Page après
page, Brunner nous met en garde contre les catastrophes écologiques
(maintenant dactualité) qui menaçaient la civilisation
occidentale de son époque. De par son côté ironique,
il semble nous dire quil ny a plus despoir. Son
roman nous ouvre tout de même les yeux sur létendue
des dommages portés à notre environnement.
Il faut lire ce livre avec une teinte dhumour et ne pas le
prendre trop au sérieux. Je lentends ricaner des subtilités
de son humour noir. Lon ne doit commencer ce livre quaprès
sêtre assuré que notre moral est à son
plus fort. Car une fois la lecture entamée, tous les maux
de notre société semblent amplifiés.
Pourquoi alors lire un tel livre ? Jimagine que certains écologistes
sont masochistes...
"Regarde, chéri ! sexclama Jeannie. Un
oiseau!
Mais il ne fut pas assez rapide."