Écovillage, communauté le terme peut sonner utopique,
naïf pour certain-es... et pourtant, les communautés
existent ! Elles ne sont pas mortes sous les décombres
des années 70, comme on a pu le penser. Elles sont vivantes,
aujourd'hui plus que jamais. Des États-Unis aux Pays-Bas,
en passant par Israël et le Japon.
Corinne Maclaughlin et Gordon Davidson, auteurs du livre Les
Bâtisseurs de l'Aube, ont fait le tour pour leurs recherches
de plus d'une centaine de communautés, surtout aux États-
Unis. Lors de l'écriture de ce livre (en 1985), ils avaient
déjà vécu plus de 23 ans en communauté.
On découvre dans cette recherche un historique du mouvement
communautaire, les avantages et objectifs des communautés,
un portrait du fonctionnement économique, psycho-social,
politique et spirituel de plusieurs communautés, les problèmes
et conflits qui peuvent se présenter à l'intérieur
d'une organisation communautaire, et des solutions apportées.
Mais pourquoi vivre en communauté ? Premièrement,
ce n'est que très récemment (au Québec, moins
de 50 ans !) que nous vivons cette vie individualiste, chacun-e
chez soi, chacun-e pour soi. Autrefois, on vivait en tribu, par
la suite en famille, et l'entraide et la solidarité entre
membres d'une même famille ou d'un même canton était
chose quotidienne, normale. Maintenant, notre vie est compartimentée
et manque d'unité. Nous nous sentons aliénés
dans nos immenses villes impersonnelles*.
Parmi les avantages et objectifs des communautés, on retrouve
une réduction des dépenses, une diminution du travail,
donc plus de temps pour le développement personnel, de
l'amitié et du soutien, des actions concrètes pour
protéger et améliorer la santé de l'environnement,
une possibilité immense d'expérimentation d'alternatives
de toutes sortes, des valeurs nouvelles, un endroit de paix et
de lumière, une liberté individuelle et collective
plus grande, le fait de rendre service et des opportunités
d'éducation et de sensibilisation.
Et on se rend compte dans Les Bâtisseurs de l'Aube que les
communautés ne datent pas d'hier. Les premiers ashrams
en Orient, les regroupements d'Esséniens et les premières
communautés chrétiennes répondaient à
ce besoin humain de se solidariser, dans l'action et la prière.
Puis, aux Etats-Unis (ailleurs le livre ne nous le dit pas), ce
fut au tour des premiers colons américains, et le mouvement
utopiste des années 1800, où une centaine de communautés
furent créées. Les membres des communautés
avaient l'espoir d'une société meilleure. Parmi
eux, on retrouve les communautés plus connues comme les
Quakers (1787 à nos jours). Les auteurs nous énumèrent
les similitudes et les différences entre ces communautés
et celles d'aujourd'hui.
Ils parlent aussi des kibboutzim, communautés israélites,
avant de parler du mouvement hippie des années 60, des
communes politiques (engagées) ou rurales (terre partagée
à la campagne), et des communes urbaines (maisons partagées
en ville).
Il y a un tableau très intéressant qui compare les
communautés des années 60 et celles d'aujourd'hui:
les différences sont très claires: la communauté
des années 60 répondait plus à une révolte
contre l'autorité, un drop-out du système, des valeurs
imposées par la société. Celle d'aujourd'hui
répond plutôt à un besoin de vivre plus sainement,
de protéger la terre, de créer un développement
durable, de s'impliquer à changer les choses dans la société.
Enfin, ils parlent des sectes, de leurs grandes différences
avec les communautés et nous mettent en garde contre certaines
tendances sectaires.
En ce qui concerne les différents systèmes économiques,
Corinne Maclaughlin et Gordon Davidson nous dressent un bilan
des différences entre les systèmes communautaires
et privés, à l'intérieur d'un écovillage.
Puis, ils nous présentent 8 communautés, de la plus
communautaire (Twin Oaks), à la plus privée (Fare
Thee Well). Ensuite, ils nous présentent qui pourraient
être appliquées à l'échelle planétaire:
la décentralisation du contrôle, l'interdépendance,
etc.
Les auteurs nous parlent également de différents
modèles de gestion et d'autorité à l'intérieur
d'un écovillage. Il est clair que de vivre toujours en
groupe nous oblige à se regarder plus intensément
le nombril, à travailler plus sur soi. Plusieurs défis
sont soulevés : comment garder son individualité
sans tomber dans l'individualisme, comment garder une conscience
collective sans tomber dans l'inconscience de masse. Puis l'espace
privé vs l'espace commun : De combien d'espace chaque individu
devrait-il disposer en fonction de l'espace d'un groupe ? Il y
a aussi la dépendance vs l'autonomie (voir la communauté
comme une béquille affective, karma familial, etc.), comment
trouver l'équilibre entre les activités obligatoires
et les activités volontaires, entre les idéalistes
et les réalistes. Il y a aussi le style d'alimentation,
l'entretien des lieux à travers les questionnements, de
nombreuses pistes de solutions sont proposées par les auteurs.
Par la suite, on nous présente des modèles de gestion
et d'autorité dans diverses communautés. On parle
alors de bon leader, deconsensus. Et de l'égalité
: Être trop à la recherche d'égaux ou de pairs
provient souvent de la crainte d'accepter la responsabilité
du pouvoir. On découvre alors plusieurs moyens de bien
focaliser les réunions, des étapes pour arriver
à une entente, à un consensus, des techniques de
méditation et de médiation, différentes façons
de faire des réunions, de prendre des décisions
: le colimaçon, le tour de parole, le bocal à poissons,
les trois allumettes, l'inspiration divine!
On compare différents écovillages : à Auroville,
en Inde, on parle d'Anarchie divine, à Ojai Foundation,
une communauté Zen, c'est plutôt centralisé
et chacune apporte son lot de défis ! Donc vous voyez qu'on
en apprend beaucoup dans cette recherche, et ce n'est pas fini:
il me reste encore la deuxième partie du livre à
aborder! Donc c'est à suivre bientôt...
Enfin, entrer dans la lecture des Bâtisseurs de l'Aube,
c'est découvrir une autre dimension, d'autres façons
de vivre qu'on n'aurait pas cru possibles avec nos yeux désabusés.
Merci à Corinne Maclaughlin et Gordon Davidson, qui ont
pensé à toutes les bâtisseuses et les bâtisseurs
d'une aube qui révèle déjà ses premiers
rayons et ne manquez pas la suite au mois prochain !!!
Référence
Les Bâtisseurs de l'Aube, des communautés
dans un monde en transformation
Corinne Maclaughlin et Gordon Davidson,
Collection Findhorn, Le Souffle d'Or.
* Les bâtisseurs de l'aube, p.30