Spirale
par Jean Miville-Deschênes
Je voudrais dans cette page, vous exprimer une façon personnelle
de concevoir l'existence et par la même occasion, éclairer
le sens de mes interventions au sein du collectif des écovillages.
Il y a de ces moments, dans la vie de chacun-e, où l'on
est confronté à soi-même d'une manière
si intense, si radicale, qu'on est soudain pris de vertige. On est
alors souvent tenté de fuir en s'affairant sans but, au lieu
de se recentrer et de profiter de ce moment privilégié
qui nous fait entrer dans l'étape centrale de la grande spirale
de notre existence, la communion, et nous prépare aux deux
autres étapes, celles de l'action et de l'exaltation.
Ces moments potentiels de communion, qui reviennent constamment
par cycles, nous pouvons en profiter quand ils s'imposent à
nous, mais nous pouvons aussi les rechercher en prenant contrôle
sur les cycles de notre spirale. Nous atteignons cette communion
salutaire par l'attitude de contemplation (c'est cette capacité
qui manque peut-être le plus à notre monde si soucieux
d'efficacité). Pour l'atteindre, il faut savoir s'ouvrir,
accueillir la Parole. Car Dieu (quel que soit le nom qu'on lui donne)
nous parle par l'univers, par chacun des êtres qui nous entoure
et d'une manière toute spéciale à la racine
de notre être. Il nous parle aussi par des signes tissés
dans la trame de nos existences.
Si nous rêvons de développement durable dans un bel
équilibre écologique et humain, je crois difficile
de négliger l'importance de ces moments de communion pour
développer en nous une réelle connaissance, non pas
abstraite mais vivante, de notre environnement et pour y saisir
le rôle que nous devons chacun y jouer. La saisie de ce rôle
est importante pour avoir une action cohérente et signifiante
(j'entends par là une fidélité à soi-
même et à la vie). C'est ce que Paulo Coelho appelle
la «Légende personnelle» dans L'alchimiste et
ce qu'on appelle «vocation» dans la tradition chrétienne
(bien que le mot ait pris de mauvaises connotations).
La deuxième étape, c'est l'action. Comme il a déjà
été dit, celle-ci sera d'autant plus gratifiante et
forte qu'elle aura été préparée, enracinée
dans une période de communion. L'action comporte ses pièges,
mais surtout, elle n'est pas orientée vers elle-même,
elle ne porte pas en elle sa propre finalité. Elle vise l'accomplissement
des êtres en présence, la déification. Nous
avons besoin de sentir cet accomplissement, au risque de devenir
blasés, de perdre notre feu sacré. Nous avons besoin
de moments d'exaltation.
Cette exaltation est atteinte par la célébration.
Célébrer, ce n'est pas ici flatter son ego ou se vanter
de ses exploits. La vraie célébration se fait dans
l'humilité et la communion aux êtres qui nous entourent.
On célèbre au-delà de soi-même, dans
la conscience de participer à une geste grandiose. On célèbre
également dans la spontanéité, sans contraintes.
Une telle célébration amène l'exaltation, laquelle
fait grandir et prépare pour un prochain cycle communion-action-exaltation...
Bonne Spirale!
* Geste, n.f. Ensemble des hauts faits d'un personnage légendaire,
relatés dans des poèmes épiques.