Chronique des métiers d'antan: Depuis déjà plus de 10 000
ans les humains(nes) se servent du feu et de la chaleur
pour étudier, consumer, et transformer la matière;
le bois, la pierre, les métaux, afin d'améliorer,
consciemment ou inconsciemment, la qualité de vie
de leur communauté. Souvent en lien direct avec
la famille, qui est le noyau de la société.
Même qu'aujourd'hui, nous classifions souvent les
grandes époques de l'histoire, par leur niveau
de technologie en rapport avec la matière exploitée
par ces êtres curieux et innovateurs. D'abord l'Âge
de pierre, la préhistoire. L'humanité naissante
lutte constamment pour sa survie, dans un environnement
hostile, où sa fragilité est mise à
l'épreuve. Heureusement, le feu la réchauffe,
la réunit et lui permet d'évoluer vers une
existence meilleure. Suit l'Âge du cuivre, du bronze,
etc... L'Âge du cuivre Les Égyptiens devinrent rapidement
les maîtres incontestés du cuivre. Ce qui
permit l'expansion considérable de ce grand empire
de l'antiquité. Des hiéroglyphes ont même
été trouvés, décrivant en
détails les techniques de forge du cuivre égyptien.
Ça vaut sûrement le coup d'il. L'Âge du bronze Vers 2500 ans avant J-C, nous voyons l'apparition des premiers forgerons d'Europe. Ils forgeaient et coulaient le cuivre. Ils étaient d'excellents céramistes(potiers) et forgerons. Il est d'ailleurs important de mentionner que l'argile a beaucoup apporté à l'art de la forge primitive, permettant au forgeron de mieux contenir et contrôler les métaux portés à fusion. Vers 1400 avant J-C, naît le peuple des tumulus (qui enterraient leurs morts sous des tas de pierres et de terre), les premiers peuples celtes. Ils deviendront de brillants spécialistes de l'Âge du bronze guerrière avec leurs pointes de flèches et de lances, et leurs épées, auxquelles ils mirent tout leur talent. Cette époque apportait également les premières mines profondes, offrant une plus grande abondance de métaux. Bien que nous puissions ici deviner la naissance des premières tribus guerrières qui mettront fin à l'empire romain (les futurs Francs, Goths, Visigoths, etc...), Rome était encore, par sa supériorité en nombre et en stratèges, la souveraine du monde (l'occident et le Proche-Orient), la souveraine de la guerre et la souveraine du bronze. Avec sa maîtrise de la métallurgie, l'empire romain s'assura une supériorité guerrière, qui lui donnait tous les pouvoirs afin d'assujetir une bonne fraction du monde civilisé. L'Âge du fer Le fer demandait un outillage tout à fait différent et une nouvelle technologie. Dû à son point de fusion largement supérieur (environ 2000 degrés Celsius), les forgerons de l'époque durent inventer de nouveaux fours plus performants. Le fer, était à l'origine, extrait des météorites. Au Proche-Orient, les Sumériens l'appelaient le métal céleste. Même qu'au Groenland, les Inuits s'approvisionnaient en fer chez trois gigantesques météorites, dont la plus grosse pesait 36 tonnes! Vers 500 ans avant J-C, l'Angleterre engendra
la culture d'Hallstatt, qu'on pourrait définir
comme la pré- chevalerie médiévale.
Ils formèrent la civilisation souveraine de l'Âge
du fer. Leurs forgerons étaient à la fine
pointe de l'art. 100 ans avant J-C, on commence à
fabriquer des cercles de fer pour les roues des chars.
Par son abondance, le fer supplanta le cuivre et le bronze.
L'art de la forge commença, dès lors, son
ascension vers la gloire. À partir de là,
le forgeron avait appris la presque totalité de
sa science, et ce n'est que vers 1800 ans après
J-C, qu'il bénificiera de nouvelles techniques. Mais ce n'est pas seulement avec la guerre
que le forgeron sut aider l'humanité. Dans la vie
de tous les jours, la science de cet artisan, donnait
un sérieux coup de pouce. Avec l'agriculture, l'élevage,
la chasse, la pêche, et une multitude de petites
choses qui facilitaient la vie des paysans(annes), aux
hommes, aux femmes dans les villages, leur permettant
d'avoir de meilleures conditions de vie, et une plus grande
abondance. La transformation de la matière, à
l'aide du feu contribua à la survie et la force
de la société. Une alliance était née entre l'homme et la bête, qui lia le destin des forgerons avec celui des chevaux. Les forgerons (maréchal-ferrant) apprirent, tant bien que mal, à cohabiter avec ces nobles mammifères. Avec l'importance que les chevaux avaient dans l'agriculture, les transports et le commerce, les forgerons se voyaient assurés d'un bel avenir. Les forgerons de la Nouvelle-France Le surnaturel suivra le forgeron, jusqu'au
nouveau monde. Plusieurs histoires à dormir debout
décrivent la magie du forgeron québécois.
Par exemple, le bonhomme Tintin ( Auguste Côté)
,avec son dernier coup de marteau, aurait donné
la vie à son coq en fer forgé ( girouette),
qui se serait envolé sur le toit de sa grange.
Ou encore, Louis Riverain de La Malbaie, aurait vu son
serpent de fer forgé se dresser par lui-même.
Bref les forgerons faisaient jaser, de plus belle, les
colons superstitieux de la Nouvelle-France. Très matinal, il se levait avant l'aube pour commencer sa journée de travail, passée à frapper le fer rouge près d'un feu de charbon. Vêtu du traditionnel tablier en gros cuir qui le protégeait, ce "malléeur" de métal est entouré d'une panoplie d'outils, sensiblement les mêmes d'un forgeron à l'autre; L'enclume, incontournable masse de fer qui, en son absence, rend presque impossible le travail de la forge; Le soufflet, à l'origine fait de cuir et de bois, puis en métal (à manivelle), et plus tard électrique, servant à propulser rapidement de l'air pour alimenter le feu de forge; Le feu de forge lui-même, qui est constitué d'une table en fonte avec un bassin en son centre, où se consume le charbon et rougit le fer; Ensuite, une ribambelle de pinces de toutes formes et grandeurs, pour s'adapter aux différentes pièces de métal, permettant au forgeron de tenir le fer chaud, tandis qu'il le martèle à l'aide d'une multitude de marteaux différents, tout dépendant de l'effet voulu. Et voila! Ajoutez du charbon, quelques étincelles et beaucoup d'huile de coudes, et le travail peut commencer, car il faut battre le fer quand il est chaud! Le forgeron reste, en Amérique, très indépendant et autosuffisant. Il est son propre patron, ne travaillant jamais pour mettre en marché, mais favorisant les commandes d'individus, qu'il livrera en personne. Il achète lui-même, ou fabrique de ses mains, la matière première et les outils qu'il a besoin. Il contribue donc, à l'économie de la communauté. L'histoire raconte que les forgerons acceptaient régulièrement les paiements en nourriture ou en matériel, même en services, faisant d'eux des spécialistes du troc. Cependant, ils trouvaient toujours moyen de se faire payer, et ce n'était pas très agréable de faire attendre trop longtemps M. le forgeron ! Avec le temps, le forgeron devint un personnage très important, rivalisant même avec M. le curé. La forge elle-même devint un lieu où les gens se rassemblaient pour s'informer, discuter et socialiser. Grâce au bruit clair et hypnotique du marteau sur l'enclume et des soirées endiablées à jouer des rigodons et boire du caribou, le forgeron contribuait, plus souvent qu'autrement, à mettre de la vie dans la communauté. Vers 1850, commence déjà le déclin de ce métier, pourtant si indispensable depuis des siècles. Avec le début de l'ère industrielle, les instruments sont de plus en plus manufacturés. La fonte coulée remplace le fer forgé. L'exode vers les grands centres, apporte moins d'eau aux moulins des forgerons. Et plus tard, l'apparition des automobiles, dans les années vingt, donne un grand coup à la pratique de ce précieux métier. De plus, lors de la première guerre mondiale, on réquisitionna une grande quantité d'enclumes pour les fondre et en faire des obus, ou des tanks. On pouvait encore voir quelques forgerons au milieu du 20ième siècle, mais beaucoup d'entre eux durent abandonner le marteau et se réinventer une nouvelle vie. Certains devinrent des mécaniciens ou des garagistes (quelle ironie!), d'autres se convertirent en agriculteurs, mais les villages devinrent plus sobres, en l'absence du feu de forge. L'omniscience du forgeron! Le forgeron du village, à lui seul, accomplissait rapidement et localement une foule de travaux indispensables à la communauté. Les objets de fer forgé se retrouvaient partout dans la majorité des domaines de la vie courante. En agriculture, avec les râteaux, les pelles, les bêches et les truelles. En construction, tous les clous de l'époque étaient forgés ( et ils étaient carrés d'ailleurs) , les vis, les boulons, les marteaux, les tournevis, etc... En ébénisterie et en sculpture, tous les couteaux et les ciseaux à bois étaient forgés. Dans les foyers, nous retrouvons encore là, beaucoup d'uvres du forgeron; La coutellerie, les ustensiles de cuisine, les chandeliers, crochets, patères, les haches, les girouettes, et j'en oublie! Pour l'élevage, la chasse, la pêche, l'équitation, pour les transports, et sur les chantiers de toutes sortes, partout le forgeron oeuvrait. Il y avait même un forgeron sur les grands navires quand ils faisaient de longs voyages. Visiblement, ces forces de la nature n'ont pas simplement forgé le fer, mais aussi la société qu'ils servaient. Le retour à la source Si on cherche à la bonne place, il
est possible de pouvoir apprendre le métier de
forgeron. À Québec, une école technique
offrirait un D.E.P en forge. Moi, j'ai eu la chance d'apprendre
les rudiments de la forge, à Saint-Jean- Port-Joli,
grâce à un projet Jeunes-Volontaires. Mon
maître-forgeron, M. Clairmont Gay, donne encore
à l'occasion, des stages de formations pour ceux
et celles qui veulent vraiment apprendre. Vivement le
jour où nous vivrons dans un petit village pittoresque,
et que le son du marteau sonnant sur l'enclume se mêlera
aux bruits des métiers à tisser, du moulin
à grain, des poules et des chèvres, et de
l'odeur du pain frais, afin d'offrir à nos enfants
un mode de vie sain et épanouissant, où
la communauté fleurit en accord avec l'environnement. |