Coup de coeur des regions : Je vous propose ce mois-ci, un petit voyage dans un coin du Québec peu connu, le Témiscouata. J'ai eu la chance d'y habiter quatre années, pendant lesquelles j'ai appris beaucoup sur la vie communautaire, la nature, l'agriculture et une multitude d'autres connaissances qui me seront toujours précieuses. Témiscouata veut dire "long et profond", en langue amérindienne, car cette région se situe aux abords du grand lac Témiscouata, un des plus profonds du Québec. C'est une région montagneuse, sur des hauts plateaux, aux limites du Nouveau-Brunswick et de la basse-Gaspésie, qui est recouverte de forêts sauvages et peu habitées. Anciennement, vivaient près de ce grand lac, plusieurs familles autochtones, des Mic-macs et des Malécites. On a même retrouvé près du lac Squatec des vestiges archéologiques vieux de 10 000 ans. Ce serait, dit-on, un des sites les plus archaïques de vie tribale en Amérique. Le célèbre trappeur Grey Owl possédait même un petit camp de trappe, où dit-on, il prenait des castors gigantesques. Il est d'ailleurs encore possible d'apercevoir les restes de sa cabane en bois rond, située sur la montagne du Haut Fourneau, sur la rive est du lac Témiscouata. Dans les années 1970, le gouvernement a voulu fermer la région pour la transformer en immense Z.E.C. (zone d'exploitation contrôlée), pourvoyeuse de matière première, en l'occurrence les poumons de la terre. Plusieurs écoles ont fermé, plusieurs maisons ont brûlé, plusieurs familles expropriées; mais une mobilisation du peuple et la création de plusieurs coopératives ont sauvé la région. Depuis, l'économie et la vie sociale ont repris du poil de l'ours. L'industrie forestière et le sirop d'érable sont les principales activités économiques. D'ailleurs, c'est un des plus gros producteurs de sirop d'érable au monde! Certains acériculteurs possèdent plus de 100 000 entailles. Laissez-moi vous dire que ça en fait des tubes de plastique ! C'est une région pas trop souillée par l'industrialisation et le néo-libéralisme. Malgré les massacres dans les forêts, le Témiscouata demeure une vaste étendue sauvage d'arbres, de lacs et de rivières, où le chevreuil, la marmotte, l'orignal et le coyote vivent nombreux. Le Témiscouata, vingt ans passés, a vu de nombreuses communautés hippies s'établir dans son giron. Ce qui fit de cette région un bastion incontesté du mouvement « flower power ». Aujourd'hui, ces marginaux se sont intégrés à la société, et continuent à leur manière de vivre leurs idéaux. Cet étrange mélange de genres humains donne au "Témis" une couleur particulière. Malgré les différences, une grande tolérance s'est installée, permettant une belle cohabitation et facilitant les rapports humains. On peut encore y trouver quelques familles qui vivent le retour à la terre en élevant des chèvres, faisant leur pain et leur fromage, dansant au rythme des rigodons. D'ailleurs, si vous passez par là, dites bonjour à Lina, une belle sorcière-gitane, mère de famille, qui est reconnue pour son excellent fromage maison, et sa voix de rossignol. Bien que le Témiscouata soit une petite région pas très courue des touristes (tant mieux, ça fait son charme !), on peu y découvrir certaines entreprises familiales charmantes, qui excellent dans leurs domaines. Vives Herbes, à Lejeune, une herboristerie de plantes médicinales biologiques, tenue par Chantal Dufour et sa belle petite famille, offre des produits de grande qualité, fabriqués avec beaucoup de soins et d'amour. Elle vous accueillera chaleureusement et vous fera visiter son jardin, qui est à mon avis, un des plus beaux que j'aie vu dans ma vie. L'érablière Toulidou à Auclair, concocte des produits de l'érable, également biologiques. Elle est l'une des pionnières dans ce domaine. On peut retrouver ses produits aux quatre coins du Québec. L'entreprise Alpaca nous rapporte du Pérou
les meilleures laines d'alpaca, un cousin du lama, et possède
même une boutique à Québec et une à
Montréal qui distribuent le fruit des labeurs d'artisans
péruviens qui tissent habilement à la main pour
la compagnie, des chandails, tuques et mitaines, aux motifs
traditionnels. Le Témiscouata est sûrement la région du Québec où il y a le plus de chiens de traineau per capita. J'y ai moi-même appris ce merveilleux sport d'hiver qui m'a fait voir d'un autre il notre belle saison blanche. La sensation de liberté et de joie que l'on peut vivre en étant tiré par des chiens, dans le silence de la montagne, un soir de pleine lune est indescriptible. Je vivais à 23 pas d'une rivière dans une cédrière de lutins. Les bouleaux, épinettes, sapins, et merisiers chantaient, aidés par le vent, un air de tranquilité. Une petite baie du lac Témiscouata accueille à chaque année l'aigle à tête blanche, le balbusard, les castors, les huards, les hérons, les hiboux et j'en passe. Les pic-bois tapaient sur ma tête de bois, et les outardes nous saluaient à chaque printemps et automne. Redécouvrir la succession des saisons, pleinement, est un bien-être si réconfortant que ma relation temporelle n'est plus la même depuis que j'ai vécu au Témiscouata. Je respirais avec la terre. C'est cette douce nature maternelle, loin des
grands centres, qui fait du Témiscouata un endroit particulier,
très favorable à la création de futurs
écovillages. Mon cur restera toujours en amour
de cette terre d'accueil aux couleurs de l'arc-en-ciel, qui
a su réveiller en moi l'âme du coureur des bois. |